Zoé ayant dé-fi-ni-ti-ve-ment renoncé à donner sa recette, je reprends…
C’était le 12 Janvier 2015. Zoé, rentrée de ses courses matinales, s’installait à la cuisine. Charlotte, m’abandonnant aux bras de Morphée—notons que c’est la première fois de ma vie que je place ces bras-là dans la conversation--, était partie marcher.
Je me suis levé très tard; la poule de Zoé était déjà dans le pot, Charlotte, rentrée de sa longue promenade, sortait les rouleaux de pate brisée du congélateur.
Mon activité de ce jour-là ?
« Bloguenaudouillage » intensif
Petit coup d’œil à la cave pour m’assurer que les boissons seraient à la hauteur.
Epluchage de quelques pommes pour les tartes de Charlotte.
Mon souvenir de la journée ? Des odeurs.
Il y a eu une grande partie de l’après-midi celle du bouillon de volaille et plus tard les tartes et le pain en train de cuire.
Le Mardi 13 Janvier, comme convenu, Coraline et Jean-Claude sont venus partager notre repas « à la bonne franquette ».
Congratulations normales. Tout allait bien.
Apéritif « dans la note » : pousse-rapière et canapés au foie gras. Bonne ambiance.
Je commençais à me détendre.
Nous sommes passés à table.
Le « consommé au porto » fit l’unanimité.
La suite me fit, une fois de plus, applaudir in petto Zoé : son idée de la poule farcie était tout bonnement géniale : nous tenions là le sujet de conversation idéal.
Oui, c’était une recette du Sud-ouest, pour autant que nous sachions, mais il existait certainement plus d’une version de cette recette.
Non ! Ce n’était probablement pas la poule au pot d’Henry IV !
« En fait—c’est Zoé qui raconte—cette recette c’est une sorte de reconstitution : cela doit faire une trentaine d’années que j’ai eu envie de retrouver la poule farcie que nous faisait Mamette, notre grand-mère maternelle. Nous n’avons pas dû en manger bien souvent ; elle ne devait en faire qu’une fois par an et elle a cessé d’en préparer alors que nous étions bien jeunes, nous devions avoir dix ans tout au plus… J’avais oublié puis, dans les années 80, un restau s’est ouvert à Toulouse qui proposait des spécialités gasconnes et, un soir, j’y ai commandé leur « poule farcie » qui m’évoquait tout à coup ma grand-mère… Ce fut une déception… Cela ne ressemblait pas à mon souvenir… C’est alors que j’ai entrepris de retrouver la recette. Il faut dire que, toute petite, j’adorais observer Mamette quand elle « faisait de la cuisine ». J’ai retrouvé les ingrédients de la farce : le foie, le cœur, le gésier de la poule, les œufs qu’elle trouvait parfois à l’intérieur de l’animal, le pain rassis trempé dans le lait, l’ail et le persil, la ventrèche—très importante la ventrèche--… J’ai eu beaucoup de déceptions avant d’obtenir ce que vous mangez ce soir, qui semble vous plaire mais qui n’est pas vraiment--n’est-ce pas, Lucien ?—la poule farcie de notre enfance… »
Et Zoé a continué de parler de Mamette, des poulets qu’elle tuait presque chaque Samedi pour le repas du Dimanche, du poulailler si curieusement perché, de la vieille maison que nous n’avons jamais revue, qu’il nous est devenu impossible de revoir…
Alors chacun a pu évoquer un souvenir d’enfance définitivement perdu…
La conversation était générale, consensuelle, tout était au mieux.
Je respirais de mieux en mieux.
Plus tard, Charlotte a servi sa tarte aux prunes qui était une parfaite réussite.
Tout était parfait.
Coraline était charmante…
J’étais parfaitement détendu, le danger semblait écarté ; c’est alors qu’il a surgi d’où on ne l’attendait pas.
« Alors, c’était comment la manifestation avec les huiles ? »
Effet du Madiran?
Charlotte déterrait la hache de guerre.
(à suivre)