Le 7 Janvier, dans l’après-midi, comme je me disposais à envoyer mon équipage de pirates vers une destination dont j’ai perdu la mémoire, je fus interrompu par le téléphone.
C’était Coraline, une Coraline surexcitée et éplorée.
D’un discours brouillé par les sanglots, je parvins à entendre « Ils ont tué Cabu! ».
Vous avouerai-je que je n’y crus pas?
Une petite recherche sur Internet et je dus me rendre à l’évidence : on avait tué Wolinski, Cabu et Bernard Maris dans les locaux de Charlie; je ne cite que les trois noms qui m’étaient familiers, les deux premiers parce que je lisais Charlie hebdo et Charlie Mensuel et aussi La Gueule Ouverte dans les années 70, le troisième parce que sa Lettre ouverte aux gourous de l’économie qui nous prennent pour des imbéciles se trouve dans ma bibliothèque.
Un peu plus tard, le téléphone sonne à nouveau :
--Vous savez qu’il y a un rassemblement place du Capitole ? Vous venez avec nous ?
--Non ! Je ne savais pas !... Qui appelle ?
--C’est informel. Ça circule sur les réseaux sociaux…
--Non ! Je préfère réfléchir !
--Réfléchir à quoi ? C’est révoltant, non ? Ils veulent nous faire peur ! Faut montrer qu’on n’a pas peur !... Il faut manifester pour la liberté d’expression, merdalors !
--Non ! Je n’y vais pas sans réflexion…
--Mais il faut faire quelque chose ! On ne va pas rester là les bras ballants !
--Justement, je me méfie des réactions à chaud.
--Définitivement non, alors ?
--Définitivement non !
Le lendemain, en milieu de matinée, on frappe à la porte. Charlotte va ouvrir.
--Vous avez raté quelque chose ! Incroyable ! Un monde !...C’était…, comment dire,… impressionnant, émouvant, excitant aussi et tellement, tellement réconfortant ! C’est ça !... Réconfortant ! Tu ne sais pas le bien que ça fait de sentir qu’on n’est pas seul, que d’autres souffrent aussi et qu’ils sont nombreux… Rassérénée ! C’est le mot ! J’en suis revenue ras-sé-ré-née ! ...JE SUIS CHARLIE ! Et vous?
(à suivre)
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